Prendre des citrons et en faire de la limonade : trois leçons tirées d’une étude sur l’effet d’un brumisateur dans un espace public

Imaginez que vous venez de passer des mois à préparer une étude pour la saison estivale qui portera sur une installation sonore dans un espace public. Cet espace testera trois aménagements, chacun ayant un brumisateur. Vous vous demandez sûrement où sont les citrons ? En principe, les brumisateurs étaient destinés à un usage en continu, mais en pratique, nous avons découvert qu’ils ne fonctionnaient correctement qu’une fois sur deux. Cette panne aléatoire s’est avérée être une excellente opportunité d’étudier l’effet du brumisateur, d’où notre limonade.

Plusieurs études précédentes effectuées en laboratoire ont évalué l’effet des fontaines de différentes tailles et différents degrés d’audibilité. Ces études démontrent que les fontaines peuvent influencer l’évaluation du paysage sonore des usagers d’une place publique avec, par exemple, des évaluations plus élevées sur des échelles telles que « agréable » ou « tranquille ». Or, nous comprenons mal dans quelle mesure ces effets s’appliquent une fois rendu sur site et en-dehors du laboratoire. Notre récente étude, A tale of three misters, apporte quelques éléments de réponse à ces questions au sujet des brumisateurs.

Notre étude démontre que l’ajout d’un brumisateur n’est pas garant d’un paysage sonore amélioré. Alors que les paysages sonores pour les deux premiers aménagements étaient moins chaotiques et moins bruyants avec un brumisateur fonctionnel, c’était l’inverse pour le troisième aménagement. Cette inversion s’explique possiblement par le placement du brumisateur en plein milieu du sentier pédestre lors du troisième aménagement. Le brumisateur a alors laissé un sentier boueux et inutilisable. Leçon #1 : l’expérience du sonore est un élément à part entière dans le design d’un espace public et doit être considéré ainsi. Compte tenu de la température et la période de l’année, quel effet aura un brumisateur sur l’utilisation de l’espace ? En cas d’incompatibilité, ce sera peut-être à reconsidérer !

De plus, cette étude était révélatrice de l’incidence d’un brumisateur sur les évaluations du paysage sonore. Les bruits d’eau ont été jugé par les répondants comme étant agréables. Cependant, le bruit du brumisateur n’a pas remplacé les bruits de trafic, mais plutôt l’inverse. Les répondants qui ont mentionné l’eau comme source sonore ont aussi plus souvent cité le trafic. Il semble donc que le bruit du brumisateur fait appel aux souvenirs et expériences des usagers de l’espace public, en rappelant par exemple, un moment de rafraichissement lors d’une canicule. Ces souvenirs influencent nos évaluations du paysage sonore d’une manière positive. Leçon #2 : il est important de considérer les souvenirs et ressentis évoqués par le bruit.

Mais le plus surprenant était le fait que le brumisateur rendait le paysage sonore moins chaotique et moins bruyant même lorsqu’il était peu probable que le répondant puisse l’entendre. Leçon #3 : il n’est pas nécessaire que le brumisateur soit audible pour avoir un effet sur le paysage sonore d’un espace. Nous n’avons, à ce jour, pas d’explication pour ce phénomène. Il est possible que le brumisateur attire les usagers vers l’espace public, ce qui, en conséquence, influence leurs attentes de l’espace. On espère pouvoir investiguer davantage dans les années à venir. En attendant, ce fut une limonade très désaltérante !